Je viens de publier une brève note dans le dernier numéro de la revue ZAW:
"Des yeux pour voir, des oreilles pour entendre... Comparaison entre un motif biblique et une formule mésopotamienne", ZAW 124 (2012) 103-106.
Petit résumé...
Comme on sait, dans la vision d'Esaïe 6, Dieu dit à son prophète d'endurcir les oreilles et de boucher les yeux de son peuple "de peur qu'il ne voie de ses yeux, n'entende de ses oreilles, ne comprenne avec son coeur, qu'il ne se convertisse et ne soit guéri" (Es 6.10). Le double motif de la cécité et de la surdité réapparaît à plusieurs reprises dans le reste du livre (par ex. 43.8; 44.18), et il souligne le paradoxe d'un peuple qui a des yeux et des oreilles, mais ne voit ni n'entend ce que Dieu lui dit.
Or je me suis aperçu que l'on rencontre à la fin de nombreuses prières assyriennes et de requêtes d'oracles babyloniennes une double formule : "Celui qui voit verra-t-il? Celui qui entend entendra-t-il?". Dans ma note, je pose donc la question d'une éventuelle allusion dans le livre d'Esaïe à cette formule mésopotamienne. Comme bien des parallèles entre la Bible et les textes du Proche-Orient ancien, il est impossible de prouver l'existence d'une allusion. Mais le cas échéant, on aurait sans doute une pointe d'ironie: en Mésopotamie, on a affaire à des personnes suppliant les dieux de leur répondre au sujet de la survenue possible d'un évènement, et demandant alors si celui qui peut voir verra et si celui qui peut entendre entendra, façon de demander si l'évènement se produira de façon manifeste. Ici les humains sont proactifs et désireux de recevoir des messages divins. Dans la Bible, le peuple se détourne tellement de Dieu que c'est Dieu lui-même qui demande à son prophète d'engourdir les sens de son peuple, précisément pour qu'il ne saisisse pas le sens des oracles...
P.S.: ma note étant en français, j'en ai écrit un résumé plus détaillé en anglais pour mon autre blog.